Témoignage ténébrion

Lutte biologique contre les ténébrions : efficace et accessible

Dans son élevage de volailles bio, Jérôme Caillé, agriculteur à Largeasse (79), utilise depuis plusieurs années une solution de lutte biologique contre les ténébrions. Une alternative aux insecticides, cohérente avec sa volonté de préserver les équilibres naturels et de respecter le bien-être des hommes et des animaux. Cette solution qui fonctionne bien, sans engendrer ni temps ou ni coûts supplémentaires, va bientôt être adoptée par tout son groupement de producteurs.

Dans son élevage de volailles bio, Jérôme Caillé, agriculteur à Largeasse (79), utilise depuis plusieurs années une solution de lutte biologique contre les ténébrions. Une alternative aux insecticides, cohérente avec sa volonté de préserver les équilibres naturels et de respecter le bien-être des hommes et des animaux. Cette solution qui fonctionne bien, sans engendrer ni temps ou ni coûts supplémentaires, va bientôt être adoptée par tout son groupement de producteurs.

Les invasions par les ténébrions sont courantes dans les élevages de volailles de chair (poulet, dindes, canards…). Ces petits coléoptères trouvent en effet dans les bâtiments avicoles des conditions propices à leurs développement : chaleur, humidité, nourriture, habitat… Ils génèrent de sérieuses nuisances, car ils dégradent les matériaux d’isolation des bâtiments en y creusant des galeries, peuvent être porteurs de pathogènes, « agacent » les volailles et donc nuisent à leur bien-être, et ils réduisent aussi le confort de travail des opérateurs, éleveurs, ramasseurs et abatteurs.


Éleveur de volailles bio depuis plus d’une dizaine d’années à Largeasse (79), Jérôme Caillé s’est trouvé confronté au problème des pullulations de ténébrions dès son installation.

« Quand on est éleveur, on cherche les moyens de lutter contre les ennemis de nos animaux, qu’ils soient gros comme les renards ou les buses, ou petits, comme les ténébrions ».


«Je n’avais aucune envie de revêtir des EPI»

Pour les ténébrions en élevages de volailles de chair, la solution la plus classique consiste en l’application d’insecticides dans le bâtiment au moment du vide sanitaire. Selon les cahiers des charges, ces produits sont de synthèse ou d’origine naturelle, mais ils sont toujours à manier avec précaution et dotés d’une certaine rémanence pour pouvoir agir sur la durée d’une bande. Bien que classique, autorisée et fonctionnant bien, cette pratique ne convenait pas tout à fait à Jérôme Caillé : « Je n’avais aucune envie de devoir revêtir des équipements de protection pour pulvériser un produit, fut-il bio. Je me suis mis en quête d’autres solutions ».

La première solution qu’il trouve, et qu’il teste dès ses premières bandes, c’est un piège à ténébrions (Tenedrop de la société Bestico). Une sorte de pyramide à la surface crantée sur laquelle les insectes sont incités à monter, avant de tomber dans le fond et de ne plus pouvoir remonter : le piège fonctionne d’autant mieux que les premiers individus piégés émettent des phéromones et attirent leurs congénères.

« Lorsque l’on vide un piège, il faut donc toujours en laisser quelques-uns au fond pour garder cet effet d’attraction » décrit Jérôme Caillé.

Des vers microscopiques, strictement entomopathogènes.

Quand les infestations ne sont pas trop importantes, notamment l’été, période durant laquelle Jérôme Caillé observe moins de ténébrions, les pièges mécaniques (environ un pour 100 m2), peuvent suffire. Mais pour pouvoir aller plus loin dans le contrôle, Jérôme Caillé s’intéresse, dès 2019, à une solution qui est alors toute nouvelle : la lutte biologique avec des parasites d’insectes.

Proposée par la société Bestico, spécialiste de la lutte biologique en élevages, les parasites en question sont des nématodes (des vers microscopiques, non pathogènes pour l’homme ou les animaux). Ils s’attaquent aux larves, nymphes et adultes ténébrions, en pénétrant dans leurs voies respiratoires et tuent leurs hôtes en s’y développant.

Un protocole testé et approuvé

Concrètement, ces nématodes, invisibles à l’œil nu, se présentent sous forme d’une poudre ensachée, qui se conserve au frais pendant plusieurs mois. Au moment de les utiliser, Jérôme Caillé « les réveille », en diluant la poudre dans plusieurs litres d’eau. Le mélange est ensuite pulvérisé sur les parties du bâtiment où se concentrent les ténébrions : les parois, les portes et le dessous des mangeoires.

Après plusieurs années d’utilisation, l’aviculteur a désormais son protocole et « ses trucs » pour obtenir les meilleurs résultats :

« Au début de mes essais, je ne mettais pas suffisamment d’eau pour diluer la poudre. Désormais, j’obtiens une bonne efficacité avec deux sachets dans 80 litres d’eau ».

Le protocole suggéré par le fabriquant est d’appliquer le produit dilué avec un pulvérisateur (à dos, ou tracté), mais Jérôme Caillé utilise un simple arrosoir.

L’éleveur fait généralement deux traitements par bande, l’un à l’arrêt du chauffage, l’autre, quelques jours avant le départ des animaux. Les pièges sont utilisés à la fois comme complément mécanique de la lutte biologique, mais aussi comme élément de mesure du taux d’infestation.


« On n’apprend pas la lutte biologique dans les formations en productions animales »


Producteur de grandes cultures, éleveur de volailles, Jérôme Caillé est aussi un responsable très impliqué dans la coopération agricole. Il est notamment président du groupement des éleveurs Bodin bio, la branche bio de l’activité volaille de Terrena. Bodin bio regroupe 130 éleveurs.

Sous son impulsion, et avec l’accord des administrateurs, le groupement tout entier a décidé de se passer d’insecticides en élevage : cela lui permet d’être davantage acteur de la préservation des équilibres et de la biodiversité, et de revendiquer le label Bee friendly. « Nous avons organisé une réunion d’information, en invitant les entomologistes de Bestico à présenter leur produit : c’était une réunion très intéressante, très scientifique. Nous nous sommes rendu compte qu’ils sont des éleveurs, comme nous, mais pas des mêmes animaux ! », décrit Jérôme Caillé.

« Les informations et les formations sur ce type de solutions sont nécessaires, car ce ne sont pas des choses que l’on apprend dans nos parcours de formation agricole. Oui, il faut expliquer, réexpliquer, notamment que les « vers » utilisés ne sont pathogènes que pour les ténébrions. Parfois, il est difficile pour les agriculteurs de changer leurs pratiques. Mais nous les incitons à le faire avec une solution efficace, qui ne coûte pas plus cher et qui ne prend pas plus de temps que la solution classique ».



POUR ALLER PLUS LOIN…


Utilisés comme biocides dans les élevages, les insecticides sont des produits à manier avec précaution, potentiellement dangereux pour les opérateurs et pour l’environnement. Leur protocole d’utilisation requiert l’emploi d’équipements de protection individuels (EPI) et le respect de conditions strictes d’applications (absences d’animaux, quantités précises…).

Le fait qu’un insecticide soit d’origine naturelle (conforme au cahier des charges de l’agriculture biologique) n’en fait pas pour autant un produit anodin. Par exemple, la substance naturelle spinosad est classée par comme « très toxique pour les organismes aquatiques » par l’ECHA, European Chemicals Agency, l’autorité européenne chargée de l’autorisation des substances biocides (l’EFSA les évalue quand leur usage est phytosanitaire). Voir ici son avis.

Chargée de l’autorisation de mise sur le marché en France des produits commerciaux, l’Anses estime aussi qu’un produit à base de spinosad est irritant pour les opérateurs et toxique pour les organismes aquatiques. Voir ici son avis.

Même si tous les opérateurs se conforment aux réglementations et conditions d’applications des insecticides biocides (bio ou non), il ne peut être exclu que ces produits se retrouvent dans l’environnement, car ils peuvent être encore actifs dans les fumiers (leur action est prévue pour être de longue durée, au moins la durée d’une bande de volailles).

Le souci du respect de la biodiversité, notamment « celle qui ne se voit pas » (tous les insectes impliqués dans la vie du sol) devrait inciter à ne plus utiliser de produit insecticide lorsque des alternatives de lutte biologique sont accessibles.

Un autre avantage de la lutte biologique sur les insecticides est de ne pas générer de résistance à plus ou moins long terme : en lutte biologique, on n’élimine jamais totalement les ravageurs, mais on redescend leurs effectifs à un niveau tolérable. Cela évite des pressions de sélection sur les populations.